Né d’une rencontre avec la propriétaire de la ferme de Montaquoy, et d’un terrain à bâtir lui appartenant à l’entrée du village, notre projet d’habitat participatif à Soisy-sur-Ecole est désormais lancé. Il bénéficiera d’une réelle proximité avec la ferme, qui s’est engagée depuis plusieurs années dans une démarche de transition vers l’agroécologie et envisage de s’ouvrir à d’autres activités. Entretien avec Valentine Franc qui évoque pour nous son projet à horizon 2024…
Elle est entourée d’un mur et on y pénètre par une imposante porte en bois, mais c’est bien un désir d’ouverture qui anime la Ferme de Montaquoy. Quand elle hérite en 2000 de cette bâtisse du XVIIIème acquise par son arrière-grand-père en 1924, Valentine Franc commence à s’intéresser à « tout ce qui pousse et comment ça pousse ». Au point de décider de retourner pendant un an à l’école, alors qu’elle exerce le métier de costumière au cinéma, pour obtenir sa capacité professionnelle d’exploitant agricole, indispensable pour reprendre la ferme. « La première fois que je me suis réveillée en me disant « chouette, il pleut ! », j’ai réalisé que j’avais désormais une autre vision de la vie. Comprendre comment on se nourrit et comment on cultive ce que l’on consomme me paraissait essentiel. »
Préparer le futur
La gestion de l’exploitation ayant été confiée depuis peu à une entreprise agricole, Valentine en profite pour se faire sa propre culture de l’agriculture. Elle prend conseils auprès de toute une chaîne d’inspirateurs de renom, de Claude Bourguignon dont l’ouvrage « le sol, la terre et le champs » dans lequel il prône le « non labour » la passionne et qui l’accompagnera lors de ses premiers semis, à la Ferme de Grignon gérée par AgroParisTech, en passant par Arnaud Daguin, chef étoilé, ami de longue date et grand défenseur de la conservation des sols et de l’agroforesterie. En 2005, elle se sépare de l’entreprise agricole qui se montre peu réceptive (et c’est un euphémisme !) à son inclination pour l’agroécologie, et engage un jeune fermier adepte du non labour pour prendre en charge l’exploitation. Une décision qui n’est pas sans conséquences : « à partir du moment où je reprenais quelqu’un sur la ferme, il fallait racheter tout le matériel, remettre des silos pour pouvoir vendre à qui on le souhaitait. C’est à chaque fois de nouveaux investissements, donc on les étale sur plusieurs années et ça prend du temps ». De plus en plus engagée dans l’agroécologie, Montaquoy figure aujourd’hui parmi les 3 fermes pilotes en Essonne qui sont accompagnées par l’association Agrof’île (Sols vivants et agroforesterie en Ile de France) et soutenues par le Parc Naturel Régional du Gâtinais français.
100 ans d’agriculture et toujours la même question
Pour ce qui est de l’activité, issue ou non de l’agriculture, Valentine a décidé de se donner le temps de la réflexion, en regardant à la fois devant elle et par-dessus son épaule. « J’ai étudié les archives et tous les plans de la ferme depuis 1924, époque où mon grand-père l’a achetée avec l’ambition de la transformer de manière extrêmement moderne pour l’époque. Il avait réfléchi à tout ce qu’il fallait y mettre : là une cidrerie, là une laiterie, là un fournil… Quasiment 100 ans plus tard, l’industrialisation est passée par là et moi je récupère une ferme dans laquelle il n’y a plus aucun animal, plus de fromage, plus de cidre, plus d’habitants : il n’y a plus qu’une personne sur un tracteur ! Mon projet, c’est 1924-2024, apporter une réponse à cette même question que s’est posée mon arrière-grand-père : c’est quoi l’avenir de l’agriculture ? Et je pense que ma conclusion, un siècle plus tard, va être la même que la sienne : réintroduire des animaux, refaire marcher la cidrerie, la laiterie, même si ce n’est sans doute pas avec la même envergure. Mais l’objectif est de transformer le produit jusqu’au bout si on le peut : se contenter de faire pousser des céréales et les vendre au plus offrant, sans se soucier de ce qui va arriver ensuite, cela ne me paraît plus possible ».
Un lieu en partage
Si elle a déjà commencé à descendre les maillons de la chaîne alimentaire, notamment en semant, récoltant et transformant des semences anciennes pour faire du pain avec la complicité d’Apollonia Poilâne, Valentine aimerait aller plus loin. « En fonction des résultats des fournées, je me pose la question d’avoir un moulin, ou encore de faire de la bière, voire du vin ». Et parallèlement au développement de son projet agricole – pratique du non labour, réintroduction de semences anciennes et de chanvre, plantation de près d’un millier d’arbres inter parcellaires, couverts végétaux offerts en pâturage à plus de 600 moutons cet hiver- la réactivation de la ferme prend forme. « Ce qui nous nourrit, ce n’est pas seulement de cultiver son jardin. La ferme, c’est un lieu que je voudrais partager, faire des projections de films, l’été en plein air, pour les habitants du village, accueillir des cours de Yoga, ou les bergers qui voudraient refaire du fromage. Par goût personnel, j’aurais aussi envie d’accueillir des artisans dont le métier a tendance à disparaître et qui ont du mal à le transmettre ». Un projet qui demande maintenant à se concrétiser, en faisant appel à une démarche professionnelle de recherche d’investisseurs et de financements.
Agriculture et habitat, même combat
Du lieu au lien, il n’y a qu’un pas, que le projet d’habitat participatif permet de franchir, en fédérant des habitants eux-mêmes porteurs de projets compatibles avec ceux de la ferme. « C’est à l’occasion d’un projet immobilier qui avait été soumis à la Mairie que j’ai découvert l’existence d’une demande locale de logement. Avec ce terrain à bâtir qui m’appartient à l’entrée du village, j’avais potentiellement les moyens d’y répondre. La proximité avec la ferme peut être un lien fédérateur : que les gens puissent se réunir pour faire des choses ensemble, du pain, des conserves, des confitures, du yoga, c’est tout ce que je souhaite. Et si, à l’entrée du village, on peut faire un projet esthétiquement séduisant, écologique et innovant pour le territoire, alors mon bonheur sera complet ! »