S’il n’existe pas encore physiquement, le Collège International de photographie du Grand Paris, que Cpa-Cps porte depuis l’origine avec Michel Poivert, n’a pas attendu d’avoir une adresse pour se faire un nom. Structure inédite, à la fois conservatoire, centre d’expérimentation et université libre consacrée à l’image photographique, il est déjà à l’initiative d’activités multiples, sous l’égide de son association de préfiguration. Sa mission : activer le projet hors-les-murs durant la période de chantier de Manufacture sur Seine, à l’issue de laquelle le Collège pourra investir une partie de la NEF de l’ancienne usine des eaux d’Ivry. Leçon inaugurale, rencontres, colloques, tables rondes, commandes photographiques grandes et petites, émission de radio, le Collège impose déjà sa présence et son ambition dans le paysage culturel. Retour arrière sur un projet qui ne cesse d’aller de l’avant…

C’est sans doute parce qu’il perçoit l’urgence de la situation que Michel Poivert (porteur du projet du CIPGP, historien de la photographie, commissaire d’exposition, professeur à l’université Paris Panthéon-Sorbonne où il occupe la chaire d’histoire de la photographie) ne ménage pas ses efforts. « De nombreux procédés sont aujourd’hui menacés parce que les sachants, les grands maîtres du tirage sont en train de partir à la retraite, parce que les procédés s’épuisent, les producteurs de papier arrêtent de produire… Il y a quelque chose à faire d’un point de vue patrimonial, c’est-à-dire transmettre ces savoir-faire. Je me suis dit qu’il fallait créer ce lieu qui à ma connaissance n’existe nulle part, c’est-à-dire un conservatoire de la photographie » confiait-il sur France Inter à Brigitte Patient dans le cadre de sa chronique « Regardez voir », en février dernier. « Je suis un historien d’art qui a traqué pendant 30 ans la question de l’art dans la photographie, et je n’avais pas réalisé à quel point la photographie était un métier d’art. J’ai envie de consacrer le reste de ma carrière à faire connaître ses savoir-faire » concluait-il. Raison pour laquelle il avait concocté dès 2018 un programme ambitieux pour le Collège.

Une préfiguration qui fait très bonne figure

Depuis la création de l’association de préfiguration, au mois de septembre 2018, les temps forts se sont enchaînés. Dès le mois d’Octobre, première apparition officielle du CIPGP dans une structure cousine, l’Institut pour la photographie Hauts de France à l’occasion de son premier colloque réunissant historiens de l’art, conservateurs, artistes, spécialistes et chercheurs d’autres disciplines. En novembre, c’est la Manufacture des Œillets à Ivry-sur-Seine, voisine de la future Manufacture, qui accueillait la leçon inaugurale du Collège, donnée magistralement par Jean-Luc Moulène, une des figures de proue de la création photographique contemporaine, devant plus de 200 personnes. En décembre, le CIPGP organisait une table ronde ayant pour thème « La photographie des renouvellements urbains », en partenariat avec l’université Paris I Panthéon-Sorbonne dans cadre des Assises de la recherche. En mars 2019, nouvelle rencontre cette fois à la Maison Robert Doisneau, intitulée « Revoir l’image sous presse » entre Fanny Boucher, maître d’art en héliogravure et le photoreporter Édouard Élias, qui a fait salle comble. En avril 2019, prestigieuse table ronde consacrée à la post-photographie, en partenariat avec la revue artpress et l’Université Paris Panthéon-Sorbonne, réunissant des intervenants de premier plan comme la photographe Valérie Jouve, le directeur du Jeu de Paume Quentin Bajac ou encore Florian Ebner, chef du Cabinet de la photographie du Centre Pompidou

Des commandes en phase avec le site de l’usine des eaux

Dans le contexte de sa préfiguration, le Collège international de Photographie du Grand Paris initie des missions photographiques sur la transformation du quartier d’Ivry Port où il a vocation à s’installer, grâce au soutien de la DRAC et de Neuflize OBC qui les financent sous la forme de bourses. Deux grandes commandes photographiques, sur toute l’année, en phase avec les lieux, le site, et la population d’Ivry ont été confiées aux photographes Hortense Soichet, dont les travaux portent sur l’habiter, les mobilités et le rapport au corps dans le monde du travail et Gilles Raynaldy qui s’intéresse aux enjeux sociaux de l’architecture, de l’urbanisme, de l’habitat ainsi qu’à la représen­tation des gestes et des actions des hommes. Une restitution publique de leurs travaux sera proposée le 4 décembre 2019 lors d’une soirée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine. Ancré dans les savoirs et techniques anténumériques, le Collège est autant un laboratoire qu’un conservatoire. Raison pour laquelle il a également lancé des bourses de Recherche-création ouvertes à des artistes dont la pratique est en relation avec l’image, et qui ont été attribuées à Matthieu BOUCHERIT et Léa HABOURDIN. CAPUCINE LAGEAT & ANTOINE PERROTEAU et ARTHUR CRESTANI ont quant à eux remporté la commande « premier plan », destinées aux étudiants et jeunes diplômés dans le domaine des pratiques photographiques.